LA LIBERATION
Le cinéma est capable de retranscrire des faits historiques auxquels la plupart des sociétés sont intrinsèquement attachés. La mémoire de la Seconde Guerre Mondiale et plus particulièrement celle de la Libération en est un exemple. La Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine est détentrice de nombreuses archives qui retracent les combats des hommes et des femmes qui ont lutté pour la survie des identités régionales et nationales. La Libération aborde également l'histoire de la Seconde Guerre Mondiale grâce à une documentation audiovisuelle inédite. Elle permet d'appréhender les événements, parfois violents, qui dépeignent le déroulement du conflit.
L'OCCUPATION FRANÇAISE
Alors que toute l'Europe est impliquée dans la guerre, la France connaît une défaite cuisante. Essoufflée et brisée, elle signe l'armistice avec l'Allemagne nazie le 22 juin 1940 à Rethondes. L'impact symbolique du lieu est une honteuse situation pour les Français : il s'agit du même endroit, du même wagon où les vainqueurs de la Grande Guerre ont signé l'armistice avec l’Axe.
La France est littéralement coupée en deux par une ligne de démarcation. La moitié nord du pays restait aux mains des Allemands qui la placent sous un régime autoritaire militaire. La moitié sud dite «zone libre» s'apparente à une concession de la part du Reich mais elle révèle surtout un moyen efficace de contrôler les mouvements et le flux des territoires qui la composent. Des clauses militaires et économiques illustrent également l'étroit contrôle exercé par l'occupant sur la souveraineté française. Les Nazis n'ont pas seulement coupé la France en deux, ils l'ont démantelée et privée d'autonomie afin qu'elle cesse d'être un obstacle à la réalisation des grands projets du Fürher.
Alors, les villes françaises sont peu à peu investies par les garnisons allemandes et deviennent des espaces vaincus. Un véritable état de siège est mis en place en France. Après la défaite, les populations se soumettent et voient les espaces se transformer. Les soldats nazis occupent le territoire et instaure une politique drastique et autoritaire. Des documents audiovisuels montrent l'invasion nazie dans les espaces urbains, comme à Marennes, en Charente-Maritime ou bien à Loudun, dans le département de la Vienne. Les images sont saisissantes. Elles mettent en avant le débarquement et l'ingérence des Allemands, les défilés des soldats... La façon de filmer, par des anonymes, retranscrit le caractère dangereux de la situation. La caméra est presque dissimulée derrière des badauds pour dévoiler les envahisseurs nazis à Marennes tandis que l'inconnu de Loudun semble filmer à travers la vitre de la fenêtre d'un immeuble. Ces témoignages riches sont des instantanés volés précieux pour comprendre l'état et la situation des populations françaises durant l'Occupation.
De gauche à droite : "Marennes pendant la guerre", Filmeur inconnu, 1940-1944 et "Défilé de soldats allemands", Filmeur inconnu, 1941.
VERS LA FIN DE LA GUERRE
À la fin de l'hiver 1944, l'Allemagne nazie est en péril. L'effort de guerre n'est plus optimal. Les fabriques d'armements cessent de produire, les matières nécessaires à la guerre manquent et les villes sont accablées par de grands dégâts. De plus, les offensives alliées anglaises, américaines et russes et les actions de la Résistance semblent rappeler aux troupes nazies un changement de domination. Les deux débarquements des Alliés ; au nord, sur les plages normandes le 6 juin 1944 et un second, au sud, sur les côtes de la Provence le 15 août, sont un tournant offensif et stratégique pour l'Occident. Malgré de lourdes pertes humaines et matérielles, ces opérations militaires sont un succès et font redouter aux chefs nazis un avenir incertain.
Afin de ralentir l'avancée des forces allemandes, les Alliés n'hésitent pas à effectuer des missions de destruction sur les territoires occupés, notamment dans la région Nouvelle-Aquitaine. Le bombardement de l'Arsenal de Limoges est un exemple particulier. La France est occupée depuis 1940 et est en état de siège. Rappelons que l'industrie limousine est en plein essor et jouit d'une renommée certaine dans le secteur. En 1939, des ateliers sont élaborés par Louis-Charles-Henri Geay pour fabriquer des moteurs d'avions. Dans ces établissements, nommés «Gnome et Rhône», est fabriqué un moteur extrêmement puissant et rare. Il devient indispensable de le détruire pour éviter que les nazis s'emparent des prototypes et des modèles.
Ainsi, le 9 février, sous l'égide de la puissance britannique, la Royal Air Force est envoyé en mission, à Limoges. C'est le capitaine Cheshire qui est choisi pour la réaliser. Il est accompagné de Pat Kelly, le navigateur, Patch qui disposait de la mitrailleuse et de «Squadron Leader» Pat Moyna. La zone à bombarder a été parfaitement délimitée et organisée grâce au soutien du Comité d'Organisation des Parachutages Armés (COPA), un commando français sous commandement anglais. Le bombardement a été d'une rare précision. Toutes les machines qui n'ont pas été écrasées sont récupérées, mais l'arsenal a dû stopper sa production en raison de l'ampleur des dégâts. La mission est également un succès car on ne dénombre que cinq blessés malgré l'intensité des déflagrations due à une bombe expérimentale. Cela a été, en partie, possible car l'intervention des escadrons de la R.A.F. a été délicate. Ces derniers ont survolé à plusieurs reprises le site d'armement de Limoges pour prévenir les nombreuses ouvrières de leur passage destructeur.
Présentes dans ses fonds, des photographies de la Cinémathèque sont de riches témoignages de la destruction de l'Arsenal de Limoges.
Photograhies "Arsenal de Limoges", Léon Monnerie, 1944.
La destruction stratégique de ce site remémore le passé fort de la ville de Limoges dans le secteur industriel. Les structures défaites étaient le reflet de l'évolution des techniques architecturales destinées à un marché spécifique, celui de l'industrie militaire. Sous tutelle militaire jusqu'en 1966, elle passe dans le giron de la Société Anonyme de Véhicules Industriels et d'Equipements Mécaniques (SAVIEM). Plus tard, ce sont les industriels automobiles qui récupèrent le site : Renault Véhicules Industriels (RVI) en 1978 puis Volvo, sous le nom de Renault Trucks en 2000. Les usines poursuivent leurs activités encore aujourd'hui. Arborant une qualité architecturale originale, le bâtiment bénéficie depuis 2009 du label «Patrimoine du XXe siècle». Le pavillon d'entrée Art déco et l'architecture en forme d'avion témoigne d'une ingénierie notoire dans le secteur industriel régional.
Sentant la faiblesse de leurs forces, notamment grâce aux actions de la Résistance, les troupes nazies n'hésitent à pas commettre des actes tragiques. Elles se lancent dans une politique de terreur sur le sol français en rassemblant les derniers soldats, acculés par le camp allié. Tulle, en Corrèze, s'inscrit dans la succession de massacres dans la région. Le bilan est lourd : 99 pendus et de nombreux déportés sont à déplorer. Le village d'Oradour-sur-Glane est resté, dans les mémoires, le théâtre de violences perpétrées par des troupes du Reich, en Haute-Vienne. Le 10 juin 1944, la troupe Waffen SS arrive devant le bourg de la commune. Elle rassemble la population et sépare les hommes, des femmes et des enfants. Les hommes sont immédiatement exécutés. Dans l'église, les soldats massacrent les groupes féminins et d'enfants et tentent de détruire l'édifice avec des explosifs. Un témoignage filmique, filmé en 8 mm par Henri Vergniaud, rappelle la catastrophe. Les images montrent les ruines des habitations et des rues peu de temps après le drame. La préservation du souvenir du drame, essentielle pour les survivants et pour les populations, est certainement aussi l'objectif de Géo Martin, lorsqu'il réalise "Dans l'enfer d'Oradour" dans les années 1940.
De gauche à droite : "Oradour après le passage de la division SS das Reich", Henri Vergniaud, 1944 et "Dans l'enfer d'Oradour", Géo Martin, Années 1940.
Cette atmosphère lugubre, impreignant ces documents d'archives, invite les spectateurs à ressentir l'ampleur des dégâts matériels qui sont moindres par rapport à la perte dramatique des civils assassinés.
LIMOGES LIBÉRÉE
Malgré le déferlement de violence qui caractérise la Seconde Guerre Mondiale, la France se libère du joug nazi. L'Occupation de la France est en place depuis 1940 à travers une nouvelle politique, élaborée par le maréchal Pétain : le Régime de Vichy, qui discrédite la IIIème République. La collaboration devient commune pour les dirigeants de ce régime mais elle sert surtout à favoriser l'empire nazi. Dans une France morcelée, la propagande nazie est particulièrement habile et tenace. Elle s'exerce par tous les objets médiatiques où la censure est méticuleusement appliquée. Les populations sont également soumises à des restrictions, qui régissent désormais les modes de vies : couvre- feu, contrôles, rationnements...
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Georges Guingouin, résistant limousin
Né en 1913 à Magnac-Laval, Geoges Guingouin exerce la profession d'instituteur à Saint-Gille-les-Forêts, en Haute-Vienne.
Dès 1940, il forme des groupes clandestins de résistance et participe aux combats contre les Nazis grâce à plusieurs actions : distributions de tracts, confection de faux papiers d'identité... Cette vie de résistant l'amène à être condamné aux travaux forcé à perpétuité par contumace par le Tribunal militaire de la 12ème Région.
Sensible aux idées communistes, il rejoint le parti. Alors que de nombreuse tensions naissent avec les représentants du parti "rouge", il continue ses activités de sabotage. LE 3 août 1944, le Colonel Guingouin devient le chef de la 4ème BRigade FFI. Il prépare et s'investit dans les opérations de libération de Limoges. Jouissant d'une renommée importante, il est élu maire de la ville de 1945 à 1947. De nouvelles affaires à propos du PCF cristallisent sa position et le conduisent à reprendre sa fonction première dans l'Aube.
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L'oppression ressentie par les Français et les autres populations asservies par le nazisme renforce le sentiment patriote. La liberté doit primer face à l'ennemi. Ainsi au nom de la liberté, des hommes et des femmes s'engagent dans la Résistance, un système rapidement structuré, pour exprimer leurs droits et leurs revendications libératrices. Grâce à ces individus, les villes de France se soulèvent et entament le combat contre les dernières garnisons nazies. C'est le cas pour la cité limousine.
En juin 1944, Georges Guingouin refuse de reprendre Limoges selon les instructions du secrétaire clandestin du parti communiste. Il estime que la ville est encore trop bien défendue par les forces de l'ordre. Durant quelques semaines, Guingouin, promu chef des Francs Tireurs Partisans pour le département de la Haute-Vienne, puis chef des Forces Françaises Intérieures, met en place un dispositif d'encerclement de la capitale qui implique toutes les formations de la Résistance. L'offensive est lancée dès le 15 août 1944. En étroite coopération avec Jean d'Albis, les négociations avec les troupes du Reich débutent. Les autorités de la Résistance ne veulent, en effet, pas d'une libération violente et sanglante. Néanmoins, à l'extérieur de Limoges, où se trouvent les différentes forces résistantes, de nombreux accrochages ont lieu avec les Occupants et se terminent de façon dramatique. C'est le cas aux Chaumes-Vertes, dans le nord du département. Après un refus de la part du commandant nazi, les pourparlers continuent le 21 août 1944. La fuite des représentants des forces de l'Axe de la Kommandantur de Limoges fixe la reddition de l'armée nazie. Les soldats de Georges Guingouin entrent dans la ville dans la nuit, à 21 heures. Limoges est officiellement libérée. La liesse populaire s'empare de la ville. Les habitants se mêlent aux héros dans une atmosphère joyeuse. Le film «Libération de Limoges» de Géo Martin, réalisé en 8 mm, évoque l'ambiance de ce moment. Un plan fixe s'attarde sur un jeune soldat brandissant un casque ennemi au milieu de la foule, en signe de victoire.
"Libération de Limoges", Géo Martin, 1944.
Le 14 septembre 1944, se déroule à Limoges la Fête de la Libération. Présent au sein d'un fonds éponyme, un film (16 mm) de Marcel Denichoux nous présente cet événement. Les images illustrent parfaitement l'avancement de cette fête. ll s'agit du premier grand défilé populaire après la libération de Limoges par les Forces Françaises de l'Intérieur menées par Guingouin. Le public, toujours aussi abondant, assiste à une grande revue des différents groupements de libération et les personnalités défilent de la place Winston Churchill à la gare des Bénédictins. La succession des plans sur les soldats tient une symbolique particulière. En défilant, ces individus expriment la fierté d'avoir vaincu l'oppression. Il s'agit également d'une représentation de la force, armée, de la Résistance pour le peuple limousin, qui assiste à cette cérémonie. Dans le document d'archives, la figure de Guingouin est importante. On le retrouve sur deux plans intéressants : un gros plan qui ouvre le film et un deuxième à la fin. Grâce à cette façon de construire le film, Denichoux met en valeur cet homme qui a contribué à la liberté de la cité limousine. Cela participe alors à la construction de l'aura héroïque du Résistant. En effet, Georges Guingouin demeure, encore aujourd'hui, l'une des grandes personnalités de Limoges.
"Premier grand défilé populaire", Marcel Denichoux, 1944.
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Le fonds Denichoux
La cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine possède le fonds "Marcel Denichoux". Ce réalisateur a contribué à l'appréhension de l'histoire contemporaine de Limoges et s'est illustré dans plusieurs oeuvres. Avec les aptitudes de l'art cinématographique, il s'attache à faire découvrir le patrimoine régional des années 1940. Ainsi, on retrouve des films sur les Monédières, le barrage de Vassivière ou la revue des Sapeurs-Pompiers de Limoges.
Quelques-uns sont contrés sur le conflit de 1939-1945. Les témoignages qu'ils créent, permettent de saisir la situation limougeaude pendant la guerre, particulièrement au cours de la Libération et de l'après-guerre.
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D'autres cérémonies sont organisées pour célébrer la Libération et remercier les hommes et les femmes qui se sont battus. La visite de dignitaires est à noter dans la cité limousine. Un autre film (16 mm) de Denichoux présente le déroulement de cet événement. Le 27 septembre 1944, le ministre de la Guerre, André Diethelm, rend visite à Limoges, capitale de la R 5. Son avion atterrit à l'aérodrome de Limoges-Feytiat où la compagnie des «Légaux» d'Eymoutiers lui rend les honneurs. Le ministre est accompagné du général Jacques Chaban, du colonel Masson, chef d'état-major du général Koening et du capitaine de Ricy, officier d'ordonnance. En voiture, sous escorte moto-cycliste, ils se dirigent vers la préfecture où un autre détachement de FFI présente les armes. Au Champ de Foire, accompagné de Pierre Boursicot, commissaire de la République, et de Jean Chaintron, préfet de la Haute-Vienne, et de personnalités civiles, religieuses et militaires, le ministre remet des décorations aux commandants en chef et adjoints des FFI et Garde des départements. Une fois encore, les images soulignent la liesse populaire. Lorsque les compagnies de la Résistance défilent, elles sont acclamées par les nombreux visiteurs que l'on peut apercevoir, dispersés, à la fin du document d'archives.
"Visite du Ministre de la Guerre", Marcel Denichoux, 1944.
LA FRANCE LIBRE
Les soutiens des armées alliées et des résistants, galvanisés par les foules permettent progressivement de libérer le pays. Les deux opérations militaires en Normandie et en Provence déclenchent une succession de victoires. Progressivement, les troupes allemandes sont défaites et se retrouvent acculées. Elles n'avaient alors d'autre choix que de se replier au plus vite afin de défendre les frontières du Reich directement menacées. Ce recul facilite et accélère dès lors la libération du territoire français. Alors, plusieurs villes françaises s'émancipent du joug nazi et opèrent de nombreuses actions. Elles arrêtent les troupes hitlériennes, se débarrassent de tous les symboles de l'occupation et célèbrent la liberté nationale en présentant, de nouveau, le drapeau tricolore. Grâce à des archives audiovisuelles, la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine détient des traces de la libération des villes françaises, situées dans la région. C'est notamment le cas pour la ville de Périgueux, libérée le 19 août 1944. La libération de la capitale est également présente dans les fonds. Après de nombreuses frictions entre les résistants et les soldats et les troupes du Reich, Paris est officiellement libérée le 25 août. Alors que Périgueux ou Paris connaissent des dégâts humains et matériels relativement mesurés, d'autres localités, sont quant à elles, très endommagées par les combats pour la Liberté. Égletons, en Corrèze, est tristement célèbre pour avoir été détruite durant les affrontements entre les garnisons nazies et les représentants des FFI. Une semaine de combats violents et destructeurs a été nécessaire pour affaiblir et chasser les Occupants. Le document d'archives (8 mm), est filmé par Jean Allary, donne une vision des stigmates de cette dure bataille. En effet, les divers plans sur les ruines rappellent l'intensité des combats.
De gauche à droite : "Périgueux libérée", Martial et Andrée Verger-Pratoucy, 1944 - "Paris libérée", Filmeur inconnu, 1944 - "Egletons après la guerre", Jean Allary, 1945.
Les populations, maintenant libres, doivent également constater les dégâts occasionnés par les combats. Plusieurs édifices sont endommagés, les routes sont bloquées et les blessés doivent être évacués pour être soignés. Le film «Paris libérée» filmé en 8 mm donne un aperçu des dégâts occasionnés par les affrontements.
LE TEMPS DE L'ÉPURATION
La fin de la Seconde Guerre Mondiale et le repli progressif des troupes ennemies ne mettent pas un terme à cette période de violences. L'ennemi nazi est vaincu mais qu’en est-il des personnes qui ont été impliquées dans les affaires du régime autoritaire de Vichy. Craignant une prise de pouvoir communiste, Charles de Gaulle, à la tête du Gouvernement Provisoire de la République Française, tente de limiter l'application d'une justice officieuse. Néanmoins, les actions judiciaires frappent les localités. Il s'agit de la période plus connue sous le nom de l'«épuration». L'épuration avait pour objectifs de réparer symboliquement les préjudices et les atteintes portées aux victimes directes de l'occupation et de la collaboration. Servant d'exutoire, elle était fondatrice ou refondatrice de l'identité nationale et républicaine en éliminant, réellement ou symboliquement, du corps civique, ceux qui avaient trahi. Aux côtés de la justice officielle, une justice floue, parfois clandestine, se met en place pour punir les adeptes de la collaboration politique ou économique. Le réalisateur Marcel Denichoux donne un aperçu des tensions qui pouvaient exister au moment de la Libération de Limoges. Un plan fixe narre les arrestations de ceux qui ont collaboré avec le régime vichyste.
"Libération de Limoges", Marcel Denichoux, 1944.
L'épuration extra-judiciaire s'exerce contre les femmes accusées de s'être unies avec l'ennemi. Ces femmes sont soumises à l'humiliation, notamment lorsque l'on leur rase la tête. Ce sont les «tondues». Le club des amateurs cinéastes de France revient sur ces faits dans un film (8 mm) réalisé en 1944. Les scènes se déroulent à Paris, quelques instants après que la ville soit libérée. Grâce à ce témoignage audiovisuel, nous pouvons ressentir l'élan discriminatoire dans lequel ces femmes sont plongées. Les scènes que nous livrent le club audiovisuel s'avèrent spectaculaires, même carnavalesques. Les femmes, qualifiées de «collaboratrices horizontales» sont les victimes de la vindicte populaire. Dans le film, elles sont ralliées par des accoutrements et des signes ostentatoires dévalorisants. La violence assénée à ces personnes devient aussi un moyen, pour les hommes, de retrouver une certaine position dans la société. La population masculine, brimée par le Reich et la défaite cuisante, entend reprendre son statut grâce à l'affichage public de la vie privée des femmes. Symboliquement, les hommes retrouvent la virilité, perdue lors du conflit.
C P8 GAU 03 0008 DE, Club des Amateurs Cinéastes de France, 1944.
Les traces de l'épuration deviennent des éléments importants pour définir et appréhender l'état de la société française à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale. Les jugements des collaborateurs, les défilés des épurés, les violences féminines montrent la lente reconstruction identitaire du pays.
Ainsi, les archives de la Libération deviennent essentielles pour la définition de l'identité de la France à la suite de la Seconde Guerre Mondiale car elles mettent en évidence le déroulement du conflit et les événements qui en découlent. Le caractère amateur devient une source intéressante lorsqu'il s'agit de documenter les faits de cette période. Les films, présents dans les fonds de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine participent alors à enrichir la mémoire collective régionale. D'autre part, ils démontrent le profond lien que les néo-aquitains et plus généralement les Français possèdent à propos de cette période trouble de l'Histoire.
BIBLIOGRAPHIE
-ADELINE François, Haute-Vienne, guerre et paix : 1944-1947, Limoges, Le Populaire du Centre, 2007.
-BEAUPRE Nicolas, ROUSSO Henri, Les grandes guerres, Paris, Belin, 2014.
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-Notice «Ancien Arsenal – Château d'eau», PSS-Archi.EU.
-Notice «Georges Guinguoin», Musée de l'Ordre de la Libération.
-MICHEL, Henri, La Seconde Guerre Mondiale, Paris, Presses Universitaires de France, 1996.
-PLAS Pascal, Visages de la résistance 1940-1944 : libération de Limoges, Saint-Paul, L. Souny, 2005.
-www.oradour.org/content/recit-du-massacre
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